Yann Lambiel - Le sans-papiers

Voulant écrire à ma belle un mot d’amour subtil et romancé, je me mis en quête d’une feuille de papier.

 

Mon errance commença par ma rencontre fortuite avec un homme de grande corpulence, et atteint de diaphorèse, à qui je m’enquérais de mes recherches… Il me répondit sans détour: Brélaz « Mais cette tiaffe qu’il fait ! Vous cherchez du papier ? Moi, je ne connais que le papier vaudois ».

 

Je laissai mon interlocuteur cacochyme reprendre son souffle pour m’enfiler dans une rue infun di bu liforme qui menait au tribunal de la ville. Sur le perron, un avocat fâché marmonnait au téléphone :

 

« Cornegidouille! Diantre! Pal sam bleu! Vous n’êtes qu’une chattemite, un Pilobouffi, un orch ido claste doublé d’un nodo céphale coprolithe. Il ne faut point casser les couilles à papy Bonnant, Wesh ».

 

De caractère latitudinaire, tant de vulgarités, même subtilement distillées, me troublèrent profondément. J’en étais tout ébaudi.

 

Au fil de mes recherches, je rencontrai moult personnages qui me relatèrent leur rapport au papier. En voici quelques témoignages:

 

Jean-Luc Godard : « Le papier, ce sont des fibres cellulosiques végétales issues de sapins, de mélèzes ou de pistachiers. Alors moi, pour économiser le papier, j’écris mon scénario après avoir réalisé le film. »

 

Christian Constantin : « Disons que bon, pour économiser du papier, moi, tu vois, je licencie mes entraîneurs par SMS. »

Stanislas Wawrinka : « Bon been c’est clair que bon been moi mon problème c’est pas pied, c’est genou. »

 

Je fis soudainement connaissance d’un jobastre à la chevelure de caniche et au parlé de prince. Après avoir écouté mes jérémiades, il s’écria :

 

« Bonjour, Lausanne, c’est Bern ! Si vous souhaitez trouver papier à votre plume, je puis vous proposer la maison Kramer-Krieg fondée en 1867 au moment où régnait en France Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, qui fut proclamé empereur le 2 décembre 1852 sous le nom de Napoléon III. »

 

Il m’en indiqua, non sans m’avoir complimenté sur mon physique callipyge, la direction de cette caverne d’Ali Baba.

 

Muni de mes atouts d’écriture, je m’attelai enfin à mon poème.

 

Moi je n’étais rien et voilà qu’aujourd’hui, je suis le gardien du sommeil de vos nuits… Trop langoureux .

 

Que je t’aime, que je t’aime, que je t’aime… trop anaphorique.

 

Ne me quitte pas… trop sombre.

 

Femme, je vous aime… trop clair.

 

Finalement, les mots les plus simples étant souvent les plus efficients, je remplis cette page blanche d’un majestueux « I LOVE YOU»

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